Un risque accru de cancer chez les patients insuffisants cardiaques

Aude Lecrubier

11 septembre 2024

L’insuffisance cardiaque est-elle un facteur de risque de cancer ? C’est ce que suggère une étude de cohorte française dont les résultats ont été présentés par le Pr Jean Sébastien Hulot (PARCC INSERM U970, Hôpital Européen Georges Pompidou APHP, Paris) au congrès de l’ESC 2024.

Auparavant, plusieurs études ont évalué le lien entre insuffisance cardiaque et cancer en raison d’un rationnel biologique, mais sans apporter de réponse claire.

Interrogé par Medscape édition française sur les mécanismes pouvant expliquer l’augmentation du risque de cancer en cas d’insuffisance cardiaque, le Pr Hulot a précisé : « des études expérimentales chez les rongeurs ont montré qu’en cas d’insuffisance cardiaque le cœur sécrète des facteurs qui induisent une prolifération cellulaire. Aussi, les mutations CHIP (Clonal hematopoiesis of indeterminate potential) acquises dans les cellules souches hématopoïétiques peuvent à la fois augmenter le risque de cancer mais aussi celui d’insuffisance cardiaque d’après des études récentes ».

Le risque de nouveau cancer après un diagnostic d’insuffisance cardiaque était de 16,53%.

Une étude rétrospective sur plus d’un million de personnes

Dans cette nouvelle étude réalisée à partir des données du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), les chercheurs ont apparié les adultes ayant eu un premier diagnostic d’insuffisance cardiaque entre 2010 et 2019 (sans diagnostic de cancer antérieur) avec des patients de même sexe et du même âge sans insuffisance cardiaque et sans cancer (3 : 1).

Sur cette période, 330 867 patients adultes avec un premier diagnostic d’IC et 992 601 témoins appariés ont été identifiés, avec 54,7% de femmes et un âge moyen de 77,7±13,5 ans dans les deux groupes.

Un premier cancer a été diagnostiqué chez 28 151 (8,5%) patients atteints d’IC sur un suivi moyen de 4,3 (SD 2,8) ans, contre 77 325 (7,8%) chez les témoins sur 4,9 (SD 2,8) ans de suivi (RR non ajusté : 1,12 [1,11-1,13], P<0,001).

Après ajustement pour les principales comorbidités (cardiopathie ischémique, diabète, hypertension artérielle, dysfonctionnement rénal, obésité morbide), de l’année du diagnostic, de la région de résidence, du tabagisme et de la consommation d’alcool, les patients atteints d’insuffisance cardiaque présentaient un risque accru de cancer par rapport aux témoins (RR ajusté=1,06, 95%CI [1,04-1,07] ; P<0,0001).

L’incidence de tous les types de cancer était de 21,9 (21,6-22,2) versus 17,4 (17,3-17,6) pour 1000 personnes-années chez les patients qui avaient une insuffisance cardiaque préexistante par rapport aux patients contrôles.

Le risque de nouveau cancer après un diagnostic d’insuffisance cardiaque était de 16,53% (IC 95% ; 9,88-16,76).

L’analyse par type de cancers a montré que le risque augmentait pour la plupart des cancers solides et en particulier pour le cancer du poumon (RR ajusté=1,33), et le cancer colorectal (RR ajusté=1,21) mais aussi pour les cancers hématologiques et surtout le myélome (RR ajusté=1,24).

Le risque de mortalité toutes causes confondues après un diagnostic de cancer était significativement plus élevé chez les patients présentant une IC préexistante que chez les témoins : RR ajusté 1,36 (CI 1,33-1,39), P < 0,001.

« Avec un risque de nouveau cancer après un diagnostic d’insuffisance cardiaque de 16,53 %, il serait logique de proposer des dépistages systématiques », a conclu le Pr Hulot pour Medscape édition française.