Sables du Sahara + COVID-19 : un effet cocktail

Dr Colas Tcherakian

5 juillet 2024

Le Dr Colas Tcherakian (pneumologue à l’hôpital Foch) explique comment la synergie des polluants et des irritants exacerbe le risque d’infections, et notamment de COVID-19.

TRANSCRIPTION

Bonjour à tous, aujourd’hui je voudrais faire des mathématiques un peu particulières puisque nous discuterons la somme « sables du Sahara + COVID-19 », et plus généralement « l’effet cocktail  », cet effet synergique qu’ont entre elles les choses que vous respirez et qui ne sont pas seulement de simples additions d’éléments qui peuvent agresser vos poumons.

On respire plus qu’on ne boit

L’ensemble des éléments présents dans l’air ne va pas constituer une somme d’un polluant + 1 autre, mais une synergie de polluants.

Les éléments à avoir en tête sont :

  • en général on boit 1 litre et demi d’eau par jour alors qu’on respire 15000 litres d’air, soit 15 kg d’air qui vont rentrer et sortir de nos poumons au cours d’une journée. Vous imaginez combien il est important d’avoir un air le plus pur possible.
  • ensuite, qu’est ce qui peut se trouver dans cet air ? Beaucoup de choses, comme des pollens (actuellement c’est la saison), des champignons (vous pouvez en avoir à la maison sous forme d’aspergillus, qui sont des spores agressifs pour les poumons, en tout cas si vous avez un terrain prédisposant), des virus et des bactéries qui ne sont rien d’autre qu’une pollution également. Et il y a d’autres formes de pollutions, notamment avec le NO, les composés organiques volatiles qui peuvent se retrouver dans les gaz d’échappement, mais aussi dans d’autres substances au domicile.
  • quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces éléments ne va pas être une somme d’un polluant + 1 autre, mais une synergie de polluants. Et c’est quelque chose qu’on a compris ces dernières années.

En réalité, il y avait déjà eu des présuppositions, mais très clairement aujourd’hui on a des éléments qui montrent que le fait par exemple d’être exposé à un orage de poussière saharienne s’ensuit d’un pic de COVID-19. Vous allez me dire : « je ne vois pas le lien entre du sable et le COVID ». En fait, on a souvent l’impression qu’on est exposé au COVID (ou tout autre virus), et puis on tombe malade ou pas. En réalité, on peut porter ce virus sans être malade et il va attendre une brèche, une agression de la muqueuse pour pouvoir rentrer et se proliférer dans l’épithélium.

La synergie des polluants

On a bien montré que ces expositions aux particules fines pouvaient déclencher une infection et qu’il y avait une synergie entre l’exposition aux poussières sahariennes et les pics de COVID. Or il se trouve qu’en ce moment, il y a à la fois des poussières (puisqu’il y a à nouveau des orages du Sahara) et un pic de COVID. On peut donc imaginer qu’il y ait un surcroît d’activité de l’infection COVID avec une synergie entre les deux.

Ces synergies ont aussi été décrites pour les pollens et la pollution, c’est ce qu’on appelle les « polluènes », où le fait d’être exposé à certains types de pollution va modifier la conformation des pollens, les rendre plus allergènes ou changer la réponse du système immunitaire. Et cela donne ce qu’on appelle aujourd’hui « la synergie des polluants » où vous voyez que vous pouvez être exposé à un fond d’acariens (si vous êtes sensibilisé), ou des moisissures, au domicile. Et rajouter dessus des irritants, que cela soit la pollution extérieure, l’orage de sable du Sahara, bref, plein de choses qui vont s’ajouter les unes aux autres jusqu’à faire apparaître une exacerbation, c’est-à-dire un moment où les symptômes vont devenir visibles sur le plan respiratoire.

Dans les facteurs déclenchants on peut aussi avoir des virus et ces éléments ne sont pas indépendants les uns des autres. D’où cette réflexion que je voulais partager avec vous : « 1 + 1 = 2 ? Non, c’est égal à 1 ! » Je pense qu’on ne peut pas mieux résumer l’effet cocktail qui est que 1 + 1 ne fait pas toujours 2, et qu’y a une vraie synergie entre les différents exposomes, qui sont la somme des choses qui rentrent dans vos poumons et qui vont interagir les unes avec les autres, et avec votre système immunitaire et votre épithélium. Donc attention : poussière du Sahara + COVID = mauvais combo.