Maladie cardiaque pédiatrique : la piste d’une valve en collagène

Stéphanie Lavaud

16 juillet 2024

Créée à partir de collagène humain issu de cultures cellulaires, une valve ouvre de nouvelles pistes pour le traitement de maladies cardiaques pédiatriques, comme la tétralogie de Fallot. L’étude a été publiée dans la revue Science Translational Medicine .

2 types de reconstruction possible

Les chercheurs du laboratoire BioTis (Inserm/Université de Bordeaux) ont mis au point une valve pulmonaire à partir de collagène humain. Un tel dispositif pourrait changer la donne dans le traitement des maladies cardiaques pédiatriques, comme la tétralogie de Fallot – une malformation cardiaque congénitale qui se caractérise notamment par une « sténose pulmonaire ». Dans ce cas de figure, la voie de sortie du sang depuis le ventricule droit du cœur vers l’artère pulmonaire est rétrécie ce qui empêche l’écoulement normal du sang vers les poumons et conduit à une diminution du taux d’oxygène dans le sang des patients.

Cette anomalie peut être corrigée grâce à une chirurgie, dont l’objectif est de rétablir le passage normal du sang à travers la voie pulmonaire en l’élargissant. Cela suppose d’enlever la valve pulmonaire, qui doit alors être reconstruite, soit à l’aide de membranes synthétiques en TéflonTM ou grâce à des feuillets dits « biologiques » faits à partir de tissu animal traité chimiquement.

Les deux solutions présentent néanmoins des inconvénients majeurs. D’une part, une réaction de rejet du système immunitaire peut survenir, qui s’accompagnant d’une réaction inflammatoire chronique, est susceptible d’entraîner d’autres complications comme des thromboses et de la calcification. D’autre part, les valves faites à partir de ces matériaux sont propices au développement d’infections bactériennes. Enfin, elles ne sont pas conçues pour accompagner la croissance et le changement de morphologie du patient au cours du temps : cela signifie qu’à mesure que celui-ci vieillit, d’autres opérations seront nécessaires pour remplacer la valve initiale.

Créer une valve à partir des cellules humaines

L’équipe menée par le chercheur Inserm Fabien Kawecki a mis au point une valve pulmonaire biologique de « nouvelle génération », conçue à partir de feuillets riches en collagène, issu de cultures cellulaires. Les chercheurs se sont ainsi appuyés sur l’approche mise au point depuis une dizaine d’années au sein du laboratoire BioTis, qui consiste à cultiver des cellules humaines en laboratoire afin d’obtenir des dépôts de matrice extracellulaire riche en collagène.

Ces dépôts de collagène forment des feuillets qui peuvent être utilisés pour concevoir, comme dans cette étude, des valves pulmonaires. Grand avantage : ces feuillets entièrement biologiques et non dénaturés chimiquement ne sont pas sujet à rejet par l’organisme.

Dans l’étude, Fabien Kawecki et son équipe ont testé l’utilisation de leurs feuillets biologiques pour reconstruire une valve pulmonaire dans un modèle de cœur « organo-synthétique » développé par leurs collaborateurs américains du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Puis, en travaillant avec des chirurgiens cardiaques du CHU de Bordeaux, les scientifiques ont également implanté la valve pendant sept jours dans un modèle animal (ovin), en réalisant les mêmes gestes chirurgicaux et en ayant recours aux mêmes outils que ceux utilisés lors de ce type d’opération chez l’humain.

« Grâce à nos deux modèles, nous avons obtenu une preuve de concept que la valve que nous avons conçue est fonctionnelle et peut facilement être implantée en suivant les mêmes modalités chirurgicales que chez l’humain, ce qui est prometteur si nous voulons passer aux études cliniques d’ici quelques années. L’implantation de notre valve a permis de rétablir le sens de circulation du sang à travers la voie pulmonaire sans générer de fuite valvulaire. Nous avons aussi observé qu’après seulement 7 jours d’implantation, il y avait une bonne intégration de la valve avec le tissu natif de l’animal. De plus, nous avons vu sur notre valve la présence de cellules musculaires lisses qui joueront un rôle important dans son remodelage et sa croissance », a précisé Fabien Kawecki dans un communiqué Inserm.

Pour l’équipe, la prochaine étape est d’implanter la valve sur des temps plus longs (16 semaines, puis un an) dans les modèles animaux, pour s’assurer qu’elle est bien fonctionnelle à long terme et qu’elle accompagne la croissance de l’animal au cours du temps. A plus long terme encore, si les résultats sont concluants, des essais cliniques pourraient être envisagés.

L’équipe a d’ores et déjà déposé un brevet pour l’utilisation du biomatériau conçu dans le laboratoire en tant que valve pulmonaire et espère à l’avenir tester son utilité dans différentes maladies cardiovasculaires chez l’adulte et chez l’enfant.