Les fluoroquinolones augmentent les risques d’atteintes des valves cardiaques

Aude Lecrubier

4 novembre 2020

 

France–  Les antibiotiques de la famille des fluoroquinolones administrés par voie systémique et inhalée sont associés à un risque accru de régurgitation/insuffisance des valves cardiaques, indique une lettre conjointe de l’ANSM, de l’EMA et des laboratoires fabricants, adressée aux professionnels de santé.

Selon une étude épidémiologique récente, il existe un doublement du risque de régurgitation mitrale et aortique chez les patients prenant des fluoroquinolones par voie systémique par rapport aux patients prenant d’autres antibiotiques (amoxicilline ou azithromycine).

Aussi, plusieurs cas médicalement confirmés de régurgitation/insuffisance d’une valve cardiaque ont été rapportés chez des patients recevant des fluoroquinolones, avec un lien de causalité probable ou possible.

« Ces données indiquent que les fluoroquinolones peuvent provoquer une régurgitation/insuffisance des valves cardiaques », souligne la lettre.

 

Quel mécanisme physiopathologique ?

Une étude en laboratoire rapporte que l’exposition à la ciprofloxacine entraine une dégradation du collagène dans les myofibroblastes aortiques provenant de patients atteints de pathologies aortiques, dont la régurgitation aortique.

« Cette observation donne une idée sur la façon dont la dégradation du tissu conjonctif associée aux fluoroquinolones pourrait être liée à la régurgitation/insuffisance des valves cardiaques », indique l’ANSM qui précise que « la dégradation du collagène a également été suggérée dans la survenue des affections des tendons et de l’aorte associées aux fluoroquinolones. »

Quels facteurs de risque ?

Les facteurs qui augmentent le risque de régurgitation/insuffisance des valves cardiaques incluent les maladies congénitales ou préexistantes des valves cardiaques, les affections du tissu conjonctif (par exemple le syndrome de Marfan ou le syndrome d’Ehlers-Danlos), le syndrome de Turner, la maladie de Behçet, l’hypertension artérielle, la polyarthrite rhumatoïde et l’endocardite infectieuse.

« Chez les patients à risque de régurgitation/insuffisance des valves cardiaques, les fluoroquinolones par voie systémique et inhalée ne doivent être utilisées qu’après une évaluation approfondie des bénéfices et des risques et après avoir envisagé d’autres options thérapeutiques », conclut l’ANSM.

Il doit, en outre, être conseillé aux patients de consulter immédiatement un médecin en cas de dyspnée aiguë, d’apparition de palpitations cardiaques ou de développement d’un œdème de l’abdomen ou des membres inférieurs.

Les substances actives concernées en France sont : la ciprofloxacine, la lévofloxacine, la loméfloxacine, la moxifloxacine, la norfloxacine et l’ofloxacine.

Pour rappel, les fluoroquinolones sont des antibiotiques indiqués dans l’Union européenne pour le traitement d’infections bactériennes au cours desquelles le pronostic vital peut être engagé.

 

Dans la mesure où leur utilisation peut entraîner des effets indésirables invalidants, durables et potentiellement irréversibles (risque ayant fait l’objet d’une lettre aux professionnels de santé en avril 2019), l’utilisation des fluoroquinolones est généralement restreinte aux infections pour lesquelles les autres antibiotiques habituellement recommandés sont jugés inappropriés.

 

Les fluoroquinolones ne doivent être utilisées qu’après avoir soigneusement évalué les bénéfices attendus et les risques, notamment celui d’anévrisme et de dissection aortique (risque ayant fait l’objet d’une lettre aux professionnels de santé en novembre 2018).