Le premier nouveau-né ayant bénéficié d’une transplantation cardiaque partielle se porte bien

Marilynn Larkin

9 janvier 2024

Dr Joseph W. Turek

Etats-Unis—Une transplantation cardiaque partielle chez un nouveau-né aux Etats-Unis, la première du genre, a permis d’obtenir des valves qui continuent à se développer et à fonctionner chez l’enfant 14 mois après l’opération, ont annoncé le Dr Joseph W. Turek (Duke University Medical Center, Etats-Unis) et coll. dans un cas clinique publié le 2 janvier dans le JAMA .

L’opération chirurgicale a été réalisée le 22 avril 2022. Avant l’intervention, les chirurgiens cardiaques s’étaient entraînés sur des modèles imprimés en 3D, reproduisant les malformations de leur très jeune patient.

La procédure a été réalisée au 18e jour de vie du nouveau-né d’un peu plus de 2,200 kg chez qui on avait diagnostiqué avant la naissance un tronc artériel commun (truncus arteriosus), malformation où un seul vaisseau issu du cœur donne l’aorte (AO) et les deux branches pulmonaires et un grave dysfonctionnement des valvules tronculaires. L’intervention a consisté à transplanter la partie du cœur contenant l’aorte et les valvules pulmonaires d’un nourrisson donneur ayant souffert d’une lésion cérébrale hypoxique-ischémique après mort cardiaque. Le petit garçon est sorti de l’hôpital au 30e jour post-opératoire.

A ce jour, les greffes issues de donneurs décédés, conservées à de très basses températures, constituent la norme de soins pour les implants de valvules cardiaques néonatales. Mais ces greffons ne sont pas viables et ne peuvent pas croître ou s’autoréparer. Par conséquent, les nouveau-nés receveurs doivent subir des interventions chirurgicales répétées pour changer les implants jusqu’à ce qu’une valve cardiaque de taille adulte puisse s’adapter. Les résultats cliniques sont généralement médiocres.

L’objectif de la procédure tentée par les chercheurs américains était donc de mettre en place le premier implant de valve cardiaque capable de se développer avec l’enfant.

« Nous avons appris que ces valves cardiaques partielles, lorsqu’elles sont fraîchement prélevées et que le bébé [receveur] est placé sous un traitement antirejet à faible dose, peuvent grandir avec l’enfant et fonctionner tout à fait normalement », a déclaré le Dr Joseph W. Turek à theheart.org | Medscape Cardiology.

« Il s’agit d’un nouveau domaine de la chirurgie cardiaque qui pourrait changer radicalement la façon dont nous soignons les enfants dont les valves cardiaques fonctionnent mal, en permettant la mise en place d’implants valvulaires qui grandissent avec eux ».

Un implant qui devrait durer toute une vie

La donneuse compatible était âgée de 2 jours et pesait plus de 3,600 kg. L’accouchement avait été compliqué par une lésion cérébrale ischémique hypoxique, mais l’échocardiographie a révélé des valves cardiaques structurellement normales et fonctionnelles. Le cœur a été donné après la mort cardiaque et prélevé à l’aide de techniques chirurgicales standard.

L’opération du nourrisson receveur a comporté une sternotomie, un pontage cardiopulmonaire et un arrêt cardioplégique du cœur. Les ostia de l’artère pulmonaire et les orifices de l’artère coronaire ont été disséqués, et la valve tronculaire irréparable du nourrisson a été excisée.

La racine aortique du donneur a été transplantée en premier, en utilisant le tissu du donneur pour fermer la communication interventriculaire. Ensuite, les orifices de l’artère coronaire ont été réimplantés, la voie de sortie du ventricule droit a été élargie et la racine pulmonaire a été transplantée.

Le petit garçon a reçu un traitement immunosuppresseur en période préopératoire (mycophenolate mofetil et solumedrol), suivi d’une immunosuppression après l’intervention (globuline antithymocyte, solumedrol, mycophenolate mofetil, tacrolimus).

« L’étude a montré que la procédure nécessite environ un quart de la quantité d’immunosuppresseurs nécessaire à une transplantation cardiaque complète, ce qui pourrait éviter aux patients des effets secondaires néfastes qui pourraient s’aggraver au fil des décennies », indique le communiqué de presse du Duke University Medical Center.

Pour rappel, les effets secondaires de l’immunosuppression chez les nouveau-nés ayant bénéficié d’une transplantation cardiaque classique peuvent être graves (insuffisance rénale sévère, lymphomes…).

Après 14 mois de suivi, les valves transplantées ne présentaient aucune obstruction ou insuffisance à l’échocardiographie. Aujourd’hui, près de 21 mois plus tard, le receveur se porte bien, a déclaré le Dr Turek. « Sa famille m’a fait part des nombreuses étapes qu’il a franchies, notamment son premier gâteau d’anniversaire, les vidéos de ses premiers pas et son nouvel appétit oral (il a été largement nourri par sonde gastrique pendant un certain temps). »

Dr Joseph W. Turek avec le patient.

« La raison d’être de la transplantation cardiaque partielle est que les greffes cardiaques pédiatriques se développent », écrivent le Dr Turek et ses coauteurs. « De plus, la défaillance des valves des greffes cardiaques est extrêmement rare. Alors que les résultats à long terme des transplantations cardiaques sont limités par l’inévitable dysfonctionnement ventriculaire, les transplantations cardiaques partielles épargnent les ventricules natifs et sont donc censées durer toute la vie. »

Cœurs en domino

« Bien que ce bébé ait souffert d’un truncus arteriosus, cette opération devrait s’avérer bénéfique pour un grand nombre d’affections cardiaques congénitales dont les valves sont trop petites ou fonctionnent mal », a indiqué le Dr Turek.

« Nous avons réalisé d’autres opérations de cœur partiel pour des bébés souffrant de sténose aortique, de tétralogie de Fallot avec atrésie pulmonaire et d’obstruction de la voie d’écoulement biventriculaire ».

Nous avons réalisé d’autres opérations de cœur partiel pour des bébés souffrant de sténose aortique, de tétralogie de Fallot avec atrésie pulmonaire et d’obstruction de la voie d’écoulement biventriculaire

Mais, la difficulté réside dans la disponibilité des organes.

« Bien que cette procédure permette d’utiliser des cœurs qui seraient autrement inutilisables pour une transplantation cardiaque complète, tels que des cœurs à faible fonction ventriculaire ou des cœurs prélevés sur des receveurs de transplantations cardiaques complètes (appelés cœurs dominos), la disponibilité est encore faible par rapport aux besoins. »

Avec les cœurs dominos, « on pourrait potentiellement doubler le nombre de cœurs utilisés au profit des enfants souffrant de maladies cardiaques », a souligné le Dr Turek dans le communiqué de presse.

Lors d’une procédure de cœur domino, un patient dont les valves sont saines mais qui a besoin d’un muscle cardiaque plus fort reçoit une transplantation cardiaque complète, et les valves saines sont ensuite données à un autre patient dans le besoin, créant ainsi un effet domino.

Depuis cette procédure révolutionnaire en 2022, des transplantations cardiaques partielles ont été réalisées 13 fois dans quatre centres, dont neuf à Duke, trois d’entre elles utilisant la technique du domino.

Pour l’instant, a déclaré le Dr Turek à theheart.org | Medscape Cardiology, « nous espérons recevoir des fonds pour un essai clinique qui évaluera ces valves de transplantation cardiaque partielle sur une base plus large et déterminera la dose optimale d’agent antirejet nécessaire pour maintenir la viabilité ».