Infarctus du myocarde: nouvelle étape pour l’injection intracardiaque de cellules souches

Vincent Richeux

11 juin 2024

Lisbonne, Portugal — Chez les patients présentant une dysfonction persistante du ventricule gauche après un infarctus du myocarde aigu, l’injection dans l’endocarde d’une suspension obtenue à partir de cellules souches CD34+ autologues (ProtheraCytes®, CellProthera) permet d’améliorer la fonction cardiaque, selon l’essai de phase 1/2b EXCELLENT, qui vient ainsi valider l’efficacité de cette approche.

Cette thérapie cellulaire pourrait bénéficier aux patients qui récupèrent très mal de leur infarctus, malgré une revascularisation Pr Faïez Zannad

Les résultats à six mois de cette étude de preuve de concept, encore non publiés, ont été présentés lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) consacré à l’insuffisance cardiaque (Heart Failure 2024) [1]. Un essai de phase 3 est d’ores et déjà en préparation, a annoncé le responsable du comité de pilotage de l’étude, le Pr Faïez Zannad (CHU Nancy), lors de sa présentation.

« Cette thérapie cellulaire pourrait bénéficier aux patients qui récupèrent très mal de leur infarctus, malgré une revascularisation », a commenté le cardiologue auprès de Medscape édition française. « Il s’agit d’une faible proportion de patients. Ce sont en général des individus pris en charge tardivement, présentant un infarctus très sévère, multiple ou massif. »

Renforcer le remodelage cardiaque

« L’essai ouvre clairement la voie au développement de la thérapie régénératrice par cellules souches dans l’infarctus du myocarde. » Avec les recherches à venir, l’objectif est de mettre au point « une thérapie mieux tolérée et encore plus puissante », ce qui implique notamment de renforcer la multiplication des cellules à injecter.

Mené dans 13 centres au Royaume-Uni et en France, l’essai de phase 1/2b EXCELLENT a inclus 49 patients pris en charge pour un infarctus du myocarde aigu. Une semaine après l’infarctus, ils présentaient une fraction éjection (FEVG) < 50 %, une dysfonction du ventricule gauche (akinésie ou dyskinésie) et une troponine ultrasensible 70 fois supérieure à la normale.

Les patients ont été randomisés pour recevoir, soit le traitement standard seul, soit le traitement associé à une injection intraendocardique de la suspension cellulaire ProtheraCytes®, mise au point individuellement par la start-up française CellProthera à partir d’un prélèvement chez le patient de cellules souches CD34+ provenant de la moelle osseuse.

« Des études expérimentales chez l’animal ont montré que ces cellules CD34+ mobilisées spontanément en réponse à l’infarctus du myocarde aigu migraient vers le tissu cardiaque endommagé et se localisaient à la périphérie de la cicatrice », explique la start-up. Les cellules souches viendraient alors limiter la fibrose et participeraient au remodelage post-infarctus.

En cas d’infarctus sévère, les quantités de cellules mobilisées seraient insuffisantes pour remplacer les cellules cardiaques détruites, d’où l’idée de renforcer leur nombre par thérapie cellulaire. Les cellules souches sont injectées directement dans la lésion cardiaque à l’aide d’un cathéter inséré par la voie percutanée.

Neuf jours de multiplication cellulaire

« En post-infarctus, le processus de régénération peut durer plusieurs semaines. On estime que le remodelage cardiaque intervient surtout pendant les quatre premières semaines », a précisé le Pr Zannad.

Les CD34+ du patient sont extraites à partir d’un prélèvement sanguin après un traitement visant à favoriser leur migration de la moelle osseuse vers le sang périphérique. Une fois isolées, les cellules souches sont multipliées pendant 9 jours dans un incubateur avant d’être injectées.

La surveillance des patients s’est appuyée sur une échographie réalisée dans les heures qui ont suivi l’injection, puis à un mois, et tous les trois mois en plus d’une IRM. Une mesure de la troponine ultrasensible était également effectuée à chaque contrôle.

À six mois, le taux d’événements cardiovasculaires majeurs (MACE) apparait supérieur dans le groupe ayant reçu la thérapie cellulaire, avec essentiellement des événements périprocéduraux (n=9), comme des tamponades (n=4), des péricardites (n=2) ou des AVC ischémiques (n=2). Tous les patients ont pu récupérer.

L’hospitalisation pour insuffisance cardiaque était en revanche plus fréquente chez les patients recevant le traitement standard seul (n=5 contre n=1 après injection). « Aucun événement indésirable grave et inattendu lié aux cellules souches n’a été observé », a précisé le Pr Zannad.

Moins d’obstruction microvasculaire

Concernant l’efficacité du traitement, l’imagerie montre à six mois une réduction plus importante avec la thérapie cellulaire du score évaluant l’obstruction microvasculaire post-infarctus (-4,5 vs -2,5 dans le groupe contrôle). Les indices de fonction systolique et diastolique du ventricule gauche sont aussi davantage améliorés après l’injection.

De plus, la troponine ultrasensible est nettement plus réduite avec la thérapie cellulaire, et ce, dès le premier mois. La réduction est de près de 56 % à un mois après l’injection contre 22% environ dans le groupe contrôle et respectivement de 75 % et 60 % à six mois.

« Après un infarctus du myocarde aigu, l’injection dans l’endocarde de ProtheraCytes® est possible et peut améliorer le remodelage cardiaque », a conclu le Pr Zannad. Selon lui, la sécurité de la procédure d’injection pourrait être renforcée en préparant mieux les interventions et en formant davantage les praticiens.

« Ces données suggèrent que les patients à haut risque après une crise cardiaque pourraient bénéficier des ProtheraCytes® et de leur capacité à régénérer les lésions myocardiques post-ischémiques afin de prévenir la progression vers d’autres maladies cardiovasculaires. »

Une étude randomisée de phase 3 est désormais envisagée pour évaluer le traitement à deux ans, a ajouté le cardiologue. Il est prévu d’inclure 300 patients. Il reste toutefois à définir le groupe contrôle pour lequel une injection intracardiaque factice (procédure sham) devrait être idéalement pratiquée en plus du traitement standard.