Attention à l’interaction entre la warfarine et le tramadol 

Dr Sheena Meredith

12 juillet 2024

Royaume-Uni – L’Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) du Royaume-Uni a publié une mise à jour sur la sécurité des médicaments concernant le risque d’interactions médicamenteuses entre l’anticoagulant warfarine et l’analgésique tramadol.

La prise simultanée de ces deux médicaments peut augmenter le rapport INR et entraîner des ecchymoses et des hémorragies graves qui, chez certains patients, peuvent être fatales, a averti l’agence.

La mise à jour a été émise en réponse à un rapport de médecin légiste envoyé à la MHRA sur le décès d’un patient qui a succombé à une hémorragie intracrânienne à la suite d’un traitement concomitant à la warfarine et au tramadol.

Le médecin légiste s’est inquiété du fait que cette interaction n’était pas bien connue et a souligné la nécessité d’en informer les professionnels de la santé.

La warfarine est un antagoniste de la vitamine K dérivé de la coumarine, utilisé pour l’anticoagulation en prophylaxie contre l’embolie en cas de cardiopathie rhumatismale, de fibrillation auriculaire ou chez les patients porteurs de prothèses valvulaires cardiaques. Il est également utilisé dans la prévention et le traitement de la thrombose veineuse et de l’embolie pulmonaire, ainsi que dans le traitement des accidents ischémiques transitoires.

Faible indice thérapeutique et risque hémorragique accru

Le médicament a un faible index thérapeutique, avec un risque accru d’hémorragie dû aux interactions avec les médicaments prescrits conjointement.

L’administration concomitante de tramadol est connue pour potentialiser les effets hypoprothrombinémiques des anticoagulants coumariniques et augmenter le risque de complications hémorragiques majeures, bien que le mécanisme d’interaction n’ait pas été établi.

Bien que des rapports occasionnels aient fait état d’une élévation de l’INR et/ou d’ecchymoses ou de saignements chez des patients prenant de la warfarine après avoir commencé à prendre du tramadol, les hémorragies majeures ont été rares, et les cas mortels encore plus rares. Les rapports ont souvent été biaisés par l’utilisation concomitante d’autres médicaments ou la présence de conditions sous-jacentes susceptibles d’affecter la coagulation.

La MHRA recommande aux professionnels de la santé d’envisager une surveillance supplémentaire de l’INR si les patients commencent à prendre du tramadol ou un autre médicament, de vérifier avec les patients, lorsqu’ils prescrivent de la warfarine, les autres médicaments qu’ils prennent déjà et de s’assurer que les patients sont conscients de la nécessité de consulter un médecin s’ils présentent des signes d’un événement hémorragique majeur.

Ajuster la dose de warfarine lors de la coprescription ?

Pour tout patient prenant de la warfarine, les prescripteurs doivent vérifier les informations produit de tout nouveau traitement concomitant pour obtenir des conseils spécifiques sur l’utilisation avec la warfarine, et considérer si un ajustement de la dose de warfarine peut être nécessaire. Tout autre anticoagulant dérivé de la coumarine, tel que l’acénocoumarol, doit être utilisé avec prudence.

Il est conseillé aux professionnels de santé d’informer les patients prenant de la warfarine de l’augmentation du risque de saignement avec certains médicaments, tels que le tramadol, et de leur recommander de consulter un médecin et de faire un test INR en urgence s’ils présentent des symptômes de saignement, notamment :

-des saignements de nez prolongés (pendant plus de 10 minutes) ;

-la présence de sang dans les vomissements, les crachats, les selles ou les urines ;

-des ecchymoses importantes ou inexpliquées ou saignement important des gencives ;

-des maux de tête inhabituels accompagnés d’une vision floue, de troubles de l’élocution, d’une perte de mouvement, de nausées ou de vomissements, de crises, d’une perte de conscience ou de vertiges ;

-de saignements abondants ou accrus pendant les règles chez les femmes, ou tout autre saignement vaginal abondant.

Les patients doivent aussi être encouragés à informer tous les professionnels de santé qu’ils prennent de la warfarine et à avoir toujours sur eux leur carte de surveillance pour les anticoagulants.

Ils ne doivent pas prendre de nouveaux médicaments ou arrêter de prendre de la warfarine sans en avoir d’abord discuté avec leur professionnel de santé.

La MHRA a déclaré que l’information sur la warfarine sera mise à jour en temps opportun pour inclure l’interaction avec le tramadol. Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) du tramadol indique déjà qu’il faut être prudent lors d’un traitement concomitant avec des dérivés de la coumarine tels que la warfarine, en raison de rapports faisant état d’une augmentation de l’INR accompagnée d’hémorragies et d’ecchymoses majeures chez certains patients. Bien que le risque d’hémorragie majeure soit rare dans le cadre d’un traitement à la warfarine, il peut être accru par l’utilisation concomitante de tramadol.